Conférence de presse du 27 juillet 2009
63e édition
du 7 au 29 juillet 2009
C'est en compagnie de l'auteur et metteur en scène Wajdi Mouawad, artiste associé de cette édition, que nous avons imaginé le prochain Festival. Pendant deux ans, nous avons dialogué sur l'importance du récit et de la mémoire, du théâtre, de la peinture et de la littérature, et échangé sur notre relation à un monde en plein bouleversement. Au cours de voyages entrepris ensemble sur les lieux marquants de son histoire, de Beyrouth à Montréal, il nous a parlé de son enfance libanaise pendant la guerre, de son exil en France puis au Québec, de la colère qui l'habite face à l'incohérence du monde.
Forts de ce dialogue, nous avons invité des artistes à venir créer des oeuvres pour cette 63e édition du Festival d'Avignon. Aujourd'hui, au moment où chaque projet prend naissance, de nombreuses résonances se révèlent entre ces créations et les questions que nous pose l'actualité récente à travers les émeutes de Madagascar, les manifestations de la jeunesse en Grèce, les morts de Gaza, la crise financière et ses graves conséquences sociales, l'élection de Barack Obama.
L'Homme a besoin de raconter des histoires car elles lui confèrent son humanité, lui permettent d'appréhender le monde et de combattre la tentation d'amnésie. Ces histoires, qui nous relient et habitent les plateaux du théâtre depuis son origine, nous avons aussi appris à nous en méfier, notamment lorsqu'elles ne véhiculent que des certitudes, ou lorsque le pouvoir économique, politique ou religieux instrumentalise les émotions qu'elles peuvent procurer.
Notre expérience de spectateur se nourrira cet été de nombreux récits, sous forme de fictions ou de documentaires. Des artistes, provenant de territoires géographiques - de la Méditerranée au Canada - et artistiques différents, partageront avec nous leurs interrogations sur l'état du monde. Nous entendrons un français venu de plusieurs continents et de multiples langues telles que le polonais, l'arabe ou l'espagnol...
Nous verrons des écritures dramatiques - de la tragédie grecque aux textes contemporains - se croiser avec des écritures chorégraphiques, plastiques et aussi, cette année, cinématographiques.
Dans la période difficile que notre société traverse, nous souhaitons ce Festival créatif et insolent, énervé et enthousiaste, en aucun cas résigné. Nous vous attendons, artistes et spectateurs, cet été à Avignon, pour que le théâtre advienne, et pour témoigner ensemble de sa nécessité, de sa diversité et de sa vitalité.
Hortense Archambault et Vincent Baudriller
Avignon, 2 mars 2009
Bilan de la 63e édition du Festival d'Avignon
La 63e édition du Festival d'Avignon s'est terminée le mercredi 29 juillet 2009 avec Casimir et Caroline mis en scène par Johan Simons et Paul Koek, Loin... de Rachid Ouramdane et Ciels de Wajdi Mouawad.
Inspirée par l'univers et la démarche de l'artiste associé Wajdi Mouawad, la quarantaine d'équipes artistiques invitées ont proposé de nombreux récits du monde, de son histoire, de ses violences politiques et économiques, intimes et publiques, vus de différents territoires, de Madagascar à Varsovie, de Beyrouth à Montréal. Les artistes ont témoigné de leur inquiétude sur l'état du monde et sa mémoire avec une vitalité porteuse d'espoir. Les questions posées par les spectacles ont donné lieu à de nombreux débats de fond, non seulement avec des philosophes du Théâtre des idées ou dans les rencontres avec les artistes à l'École d'Art, mais aussi entre les festivaliers eux-mêmes, sans esprit de polémique.
Les spectacles avaient des formes esthétiques très diverses, de la fiction au documentaire, des arts de la scène au cinéma, de la tragédie grecque à l'écriture contemporaine, de la gravité à l'humour. La richesse de la langue française et la diversité des langues étrangères (rendue accessible grâce au surtitrage) furent largement présentes sur les différentes scènes. Lieu de découvertes artistiques pour le public comme pour les professionnels du monde entier, le Festival a joué son rôle de plateforme internationale pour les artistes, notamment en proposant une traduction en anglais pour certaines représentations des spectacles francophones.
Par la captation et la diffusion de deux spectacles (Angelo, tyran de Padoue diffusé par France 2 le 17 juillet et Casimir et Caroline retransmis par Arte le 29 juillet), la télévision continue de donner un rayonnement important au Festival au-delà des murs de la ville.
Le Festival d'Avignon a encore une fois témoigné de la vitalité des arts vivants, avec 42 spectacles, dont trois quarts de créations, pour près de 275 représentations, pendant 23 jours dans 21 lieux, presque tous aménagés uniquement pour le Festival. Il faut également y ajouter les lectures, une exposition payante et les 36 films des Territoires cinématographiques au cinéma Utopia (dont 8 avant-premières).
Le Festival d'Avignon a connu le même taux de fréquentation très élevé que l'édition 2008, soit 94% sur une jauge totale de 133 000 places (soit une estimation de 125 000 billets délivrés).
Cette année encore, fort du succès de la programmation proposée, le Festival n'a pu malheureusement répondre à toute la demande de places du public surtout dans la période du 12 au 22 juillet.
Il faut y ajouter les 2 600 personnes qui ont assisté aux projections des Territoires cinématographiques et les 13 000 personnes ayant participé aux propositions gratuites comme le spectacle Non, les lectures ou le Théâtre des idées.
L'École d'Art, aménagée en Foyer des Spectateurs pour sa troisième année, a accueilli 13 000 festivaliers, venus assister à une rencontre avec un artiste, visiter une ou plusieurs expositions ou s'informer sur les spectacles et les artistes invités.
Le Festival a continué à développer ses actions d'ouverture vers de nouveaux publics, avec par exemple le séjour organisé en collaboration avec les CEMEA de 700 lycéens, venus de plusieurs régions de France, la présence au Festival de jeunes avignonnais initiés au théâtre par l'association des Amis du Festival ou encore la collaboration accrue avec le Centre pénitencier du Pontet.
Dans le contexte économique difficile qui a marqué cette année, nous pouvons constater la forte aspiration des spectateurs à découvrir des artistes et des langages singuliers qui leur parlent librement. Face à cette forte demande du public, le secteur du spectacle vivant connaît des difficultés croissantes pour financer la production des spectacles. Pour y faire face, il faut accroître la solidarité entre les théâtres pour accompagner les artistes et surtout mettre en place un plan de relance pour la culture. Ces questions ont animé les nombreux débats et rencontres professionnels qui ont eu lieu pendant le Festival. Pour rendre plus visible cette dimension, un guide du professionnel du spectacle vivant à Avignon a été réalisé, recensant l'ensemble des permanences, débats et rencontres.
L'année 2009 aura été marquée par la disparition du compositeur Maurice Jarre dont les notes de trompettes continuent d'appeler les spectateurs dans les salles du Festival, de l'auteur et metteur en scène André Benedetto du Théâtre des Carmes qui incarnait l'esprit de liberté qui donna naissance au Off, et de la chorégraphe Pina Bausch qui a écrit une nouvelle page de l'histoire de la danse au Festival dès les années 80.
Pour la prochaine édition, Hortense Archambault et Vincent Baudriller ont choisi l'écrivain Olivier Cadiot et le metteur en scène Christoph Marthaler comme artistes associés. Ils dévoileront la programmation en mars 2010.